mercredi 16 mars 2011

Exode, bain de culture nippon et rencontres internationales

Aujourd'hui encore, récit à deux facettes : d'une part, la suite du compte-rendu de mon séjour à Kyoto et d'autre part quelques réflexions sur la catastrophe du Tohoku.

Après une période d'apathie fataliste, les secours commencent enfin à prendre forme. Dans tout le Japon, des collectes de dons sont organisées (dans les temples, les stations de métro, par des organisations caritatives et même les joueurs des grandes équipes de baseball) afin de venir en aide aux gens qui ont tout perdu. D'ailleurs, les japonais font preuve d'une très grande solidarité. Les personnes dont la maison est encore intacte accueillent ceux qui n'ont plus de toit, d'autres font à manger pour les réfugiés qui couchent dans des gymnases gares et autres salles de conférence. Malgré la destruction d'une grande partie de l'infrastructure, la menace nucléaire toujours très grave, ces petits gestes sont une lueur d'espoir et donnent un peu de baume au coeur.

Les étrangers, résidant au Japon ou simplement en visite, fuient quant à eux en masse. Durant mon séjour à Kyoto, j'en ai rencontré plusieurs, complètement paniqués, qui avaient quitté Tokyo en catastrophe et s'efforcaient de prendre le plus rapidement 1 vol depuis Osaka, dont l'aéroport est naturellement complètement saturé. Je reçois de nombreux messages me conseillant moi aussi d'abréger mon séjour. Pour l'instant, à Osaka tout est absolument normal. Bien sûr, si la situation à Fukushima venait à s'aggraver et qu'il y a un risque de contamination de la région où je me trouve, nous aviserons immédiatement. Je quitterais alors le pays, vraisemblablement en même temps que Kumiko et nous enverrons le reste de sa famille à Kumamoto, ville située à 800 km au sud d'Osaka. Je ne sous-estime pas la gravité des choses, je sais qu'un nuage radioactif se déplace très rapidement, je suis juste réaliste et m'efforce de ne pas céder à la panique générale. Nous allons suivre les infos de très près, aussi bien japonaises, qu'étrangères et on verra.

Passons à présent à des choses un peu plus gaies, le 2ème jour de mon séjour kyotoite (14.03).

Après une nuit difficile (mon voisin de chambre est bien gentil mais ronfle comme un 38 tonnes...), petit déjeuner à l'européenne puis promenade sous le soleil en direction du palais impérial, situé à une petite demi-heure à pied. L'ancien palais des empereurs nippons se trouve dans un parc immense et malheureusement je ne peux pas rentrer car pour le visiter, il est nécessaire de s'inscrire la veille avec son passeport et en plus l'entrée coûte 1000 Yen (10€). Les japonais ne peuvent pas le visiter, juste les étrangers. C'est débile mais c'est comme ca... Un peu dégouté, je me ballade dans le parc, joli mais trop gigantesque à mon goût puis continue à pied en direction du château Nijo, la résidence secondaire du 1er shogun de l'ére Edo, Tokugawa Hieyasu. Bien sûr, en chemin je me paume et pars dans la direction opposée, sans commentaire...

Cette nouvelle preuve de mon sens de l'orientation magique, car inexistant, me permet toutefois de découvrir, au détour d'une ruelle, un fabricant de tofu, magasin qui a pratiquement disparu dans tout le Japon, à part à Kyoto, la ville par excellence de préservation du patrimoine nippon.

M'étant trop éloigné du château pour l'atteindre à pied, je rejoins la station de métro la plus proche et arrive enfin à destination.

Toutes ces péripéties n'ont pas été vaines, l'endroit est magnifique. Situé dans un très beau parc avec beaucoup de pruniers en fleur, le chateau est très intéressant. A l'époque du shogunat, le protocole était très complexe et avant d'être recus par le shogun, les seigneurs féodaux devaient passer par plusieurs "pièces d'attente", suivant leur rang. Tout autour de ces pièces, le sol est recouvert d'un parquet spécial sur lequel n'importe quel mouvement fait 1 bruit infernal, rappelant le cri d'un oiseau. Ce système est une défense passive empêchant toute intrusion hostile dans le bâtiment.

La décoration de l'intérieur du château est magnifique, surtout les peintures des portes coulissantes en bois et des murs, représentant des scènes très épurées de la nature japonaise.


Ayant fait le plein de culture et de pruniers, je repars en métro vers l'est, jusqu'à la station Higashi Yama pour aller visiter un musée des arts traditionnels nippons. En chemin, je tombe sur un magasin de mochis, sucreries japonaises à base de riz collant et de haricots de soja. Elles ne sont pas données, 1,5€ pièce, mais délicieuses !


Quant au musée, c'est un endroit passionnant avec des présentations détaillées de tous les arts traditionnels japonais (par ex. fabrication et teinture des kimonos, sculpture des ornements en pierre des temples, fabrication de peignes, meubles, flèches, arcs, cordes, etc...). Tout est expliqué étape par étape, également en anglais, avec des petites vidéos où l'on voit les artisants travailler.

Après cette nouvelle immersion dans le patrimoine nippon, récupération des bagages à la pension d'hier puis trajet en train local jusqu'à la Gojo Guest House où je vais passer les 2 prochaines nuits. Vieille maison traditionnelle entièrement renovée avec 1 café au rez-de-chaussée et les chambres au 1er, l'endroit me plait dès mon arrivée. Le gérant, 1 japonais très cool, cheveux longs, bonnet de ski en permanence vissé sur le crâne, est bien sympa.
Je pose mes clous puis repars en vadrouille dans le centre de Kyoto, en passant par Gion, le quartier touristique par excellence où l'on croise de nombreuses Mayko (en gros, geisha en apprentissage) plus ou moins authentiques (d'après Kumiko 1 bonne partie sont juste costumées et se balladent pour les touristes). Arrivé dans les Shotengai de Kyoto (arcades marchandes) qui n'offrent en soi rien de particulier à part la jeunesse nippone dans toute sa splendeur (ou son horreur suivant les goûts...) et un magasin tout à 100 Yen (1€) où je m'achète 1 mini-réveil très sympa, surtout vu le prix, qui va me servir de montre.

Ensuite, retour à la pension, 1 petit café et du repos jusqu'à la tombée de la nuit puis excellentes ramen (soupe de nouilles nippones avec des pousses de soja et des lamelles de porc) dans un bouiboui très authentique. Bien rassasié, je pars à pied jusqu'au temple boudhiste Kiyomisudera où ont lieu des illuminations. Ce temple, construit sur des sortes de pilotis, est très impressionnant et de nuit l'atmosphère est assez magique, très paisible et propice au recueillement. Partant de ce temple, un chemin illuminé par des milliers de lanternes permet de rejoindre un autre temple, shinto celui-là, de Yasaka. Comme de bien entendu, les ruelles sont jonchées de magasins de souvenirs, de bouffe et autres portes-bonheur. Déjà bien fatigué, je ne vais pas jusqu'au bout et rentre à la Gojo Guest House. Tous les gens logeant sur place, en grande majorité des étrangers, sont dans la partie café et parlent de la situation dans le nord en buvant de la bière. Après avoir brisé la glace autour d'une bière, nous sympathisons. Outre ma pomme se trouvent là un couple de hollandais, 2 francais (de Lyon et 1 s'appelle lui-aussi Olivier !) et 1 américain. Au vu des problèmes à Fukushima, ils ne paniquent pas mais ont décidé de repartir d'Osaka et non pas de Tokyo comme prévu initialement. Malgré la fatigue, nous papotons assez longtemps et il est prêt de minuit quand je monte me coucher. Dans ma chambre, 1 dortoire pour 8 personnes, se trouvent 2 italiens de Milan, dont 1 assez excentrique qui ne me parle qu'en japonais. Il habite à Tokyo où il apprend le japonais mais contrairement aux autres étrangers, lui il panique à mort et veut rentrer le plus vite possible en Italie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire